Chapitre 9 - Nos premières années

Fin novembre, des voisins se faisaient une patinoire et ils nous ont invités à aller patiner. Laurent aimait beaucoup ce sport, mais moi je n’avais jamais patiné. Il m’a procuré des patins et le soir on allait patiner.  Lorsque nous étions deux, ça allait bien, mais toute seule, vraiment pas fameux…  Je pourrais même dire que j’étais nulle!
Décembre est arrivé très vite et, pour la première fois de ma vie, j’ai fait un arbre de Noël. Chez mes parents, on fêtait Noël, mais différemment. Pour moi, c’était une belle découverte et je n’ai jamais manqué de continuer de faire mon arbre à tous les ans.
Quelques jours avant Noël nous sommes venus à Princeville visiter les parents de Laurent. J’avais déjà placé tous mes cadeaux sous l’arbre de Noël, mais une surprise m’attendait à notre retour. Le petit chien Bijou avait répandu tous les cadeaux à travers la maison. J’étais en colère! Moi et le balai, on lui a indiqué la sortie sans trop de ménagements, surtout qu’entre Bijou et moi ce n’était pas le grand amour. Ce petit chien d’à peine 15 livres était jaloux! Si je m’approchais de son maître, il voulait me mordre.  Je suis certaine qu’il a voulu me montrer que je n’étais pas la bienvenue. Une véritable petite peste que ce chien et pourtant j’ai toujours aimé les animaux de compagnie, en autant qu’ils m’acceptaient eux aussi.
 À cette même période, M.Vachon a offert à Laurent d’aller essayer de travailler à Princeville afin d’être certains de notre choix. Nous étions en train de réfléchir à deux options : acheter la ferme ou bien travailler dans les industries. M. Vachon prendrait la relève jusqu’en avril et là on prendrait la décision.
Déjà, des frères et sœurs de Laurent avaient un emploi à Princeville. Rose travaillait aux «veeners» de nuit. Elle et son mari s’étaient bâti une maison et ils nous ont proposé d’habiter chez eux; nous aurions notre chambre et en retour je garderais leur fils de 10 ans, Michel, et m’occuperais de préparer les repas toujours planifiés pour eux, alors que Laurent et moi faisions nos propres repas. Les heures de travail alternaient : 15 jours de jour et 15 jours de nuit à raison de dix heures par jour avec possibilité de faire des heures supplémentaires payées à taux et demi. Les heures en surplus commençaient après 55 heures de travail.
 Nous avons emménagé le 2 janvier 1955 et Laurent a commencé à travailler le 5 janvier.  Après avoir été 4 mois continuellement ensemble,  je dois dire que je m’ennuyais parfois de sa présence; là, on entrait dans la vie réelle. 
 J’étais enceinte mais j’ai fait une première fausse-couche. Le médecin m’a dit que ce sont des choses qui arrivent et que je ne devais pas m’inquiéter. Ma grossesse n’était pas avancée et, comme mon cycle était régulier, je retardais de deux semaines environ. Après une seconde fausse-couche, j’ai changé de médecin qui m’a dit qu’on étudierait mon cycle et qu’on agirait en fonction de mon état. Après étude de mon cas, j’ai eu une série d’injections afin que l’on puisse éviter de refaire une autre fausse-couche.
 Et voilà qu’en juillet 1955, je commençais une nouvelle grossesse que j’ai rendue à terme. Nous étions très contents de ce bébé tant désiré. Je reviendrai sur ce sujet un peu plus tard car il y a eu d’autres évènements entre-temps.
 Au printemps, Marcel, le frère de Laurent, s’est acheté une maison et M. Vachon a proposé à Marcel de faire faire la finition du 2e étage car seulement le 1er étage était terminé. Cela nous a permis d’avoir notre logement durant 3 ans sans frais, et, en même temps, de mettre de l’argent de côté pour notre future maison. Nous avons emménagé le 13 juillet 1955. Nous étions deux couples de jeunes mariés mais je m’entendais très bien avec ma belle-sœur. Nos hommes travaillaient beaucoup. On vivait la même situation, car on était enceintes toutes les deux. Notre nièce Sylvie est venue au monde le 16 décembre 1955 et notre fils François en mars 1956. Comme vous voyez, nos enfants étaient pas mal du même âge.
 Quelques jours après la naissance de Sylvie, soit la veille de Noël, j’étais descendue voir la petite et je dis à Mariette :  «Ta petite fille n’est pas comme d’habitude.». Elle se courbait la tête vers l’arrière et faisait de la fièvre. Alors le soir, nous l’avons conduite à l’hôpital mais, en chemin, l’auto a fait défaut : un problème de courroie.  Il faisait très froid. Heureusement, en route, il y avait une salle ouverte où on préparait le réveillon. On nous a accueillis. Tout le monde était autour de nous pour voir ce petit bébé et trouver quelqu’un pour nous dépanner. À notre arrivée à l’hôpital, on nous a dit que c’était la méningite. L’enfant n’a eu aucune séquelle.
 Durant le premier automne, on s’était acheté du bois pour le chauffage. C’était du cèdre. On s’est vite aperçu que ce n’était pas suffisant. M. Vachon avait une terre à bois et il nous a dit d’aller se couper du bois séché debout, car le bois, pour bien chauffer, doit être sec. Malgré notre manque d’expérience, on est partis les deux couples pour faire notre bois. M. Vachon n’a pas dit un mot : il voulait que nous apprenions de nos erreurs. Croyez-moi, on a été plus prévoyants les années suivantes.
 Dans les années 1950, l'évènement de la télévision nous a marqués.  En 1953, on voyait dans une vitrine à Manseau, une télé où il y avait une image très neigeuse sur laquelle on pouvait distinguer des ombres.  Quand l’automne 1954 est arrivé, il y avait des émissions très attendues : La famille Plouffe, la lutte, que nous allions voir à l’hôtel le Manoir à Princeville tous les mercredis soirs car très peu de gens possédaient un appareil. C’était comme si on allait au cinéma.  Le cinéma, on connaissait, mais le nouveau est toujours attirant d’autant plus que l’on savait qu’il y avait possibilité dans l’avenir d’avoir notre propre appareil. Tout Princeville était au rendez-vous. Bien sûr, il y avait d’autres émissions, mais c’était les préférées. Aux Fêtes, à la naissance de leur petite Sylvie, Marcel et sa femme ont décidé d’acheter une télé. Laurent et moi, on descendait chez eux voir nos émissions.  Quand, à mon tour, mon bébé est arrivé, on a eu notre télé. Comme vous voyez, nous étions au rendez-vous des changements.
 Le «veener» où Laurent travaillait a fait faillite en novembre et nous avons perdu 1 mois de salaire, environ 900 dollars, car Laurent faisait plusieurs heures supplémentaires. De ce montant, nous avons eu seulement une vingtaine de dollars. Quand on commence, ça donne un coup!
 Au début de l’année 56, une nouvelle industrie avait ouvert ses portes. Princecraft, fabrication de chaloupes en fibre de verre et aluminium. La première année, Laurent a travaillé 6 mois car au début, c’était saisonnier. Quand le «veener» a fermé, les salaires étaient autour de 1 dollar de l’heure, mais quand nous avons eu la première paye au bout d’un mois, surprise : .55 cents de l’heure! Laurent est allé demander de réajuster son salaire car il avait charge de famille. J’attendais mon bébé pour mars, mais comme il y avait encore un écart de 15 jours avant d’avoir une autre paye, avec seulement .05 cents de l’heure d’ajoutés, il a fallu que Laurent retourne négocier jusqu’à ce qu’il obtienne mieux. Heureusement, au «veener» il y avait une assurance collective et c’est cette assurance qui a payé l’hôpital à mon accouchement.
 Je me préparais à la venue de mon bébé en faisant mes couches, mes piqués, mes petites jaquettes, des petites robes, brodées s.v.p.! Tout se déroulait bien mais maman me manquait terriblement et je lui parlais souvent. Je lui demandais un bébé en santé et comme je me disais qu’elle savait quel était le sexe de mon bébé je voulais le savoir aussi. Elle venait souvent dans mes rêves et, une nuit, j’ai rêvé qu’elle venait me visiter pendant que j’étais à broder une petite robe bleue. C’est là que Laurent m’a dit :«Tu l’as, ta réponse! Ce sera un petit gars.» C’est vrai, j’avais fait des petites robes de toutes les couleurs. Les bébés portaient de petites robes, garçons ou filles, durant un mois ou deux parce que c’était plus pratique; on les faisait ouvertes dans le dos. Nous avions des petites culottes en caoutchouc, mais ce n’était pas aussi efficace que les couches d’aujourd’hui. Les bébés portaient des jaquettes en flanellette, car les petits pyjamas d’aujourd’hui n’existaient pas.
 Ma grossesse se déroulait bien. Juste avant les Fêtes, pendant que je magasinais avec ma belle-mère, je suis tombée. J’ai eu très peur qu’il y ait des conséquences : mais non! Tout allait bien. J’avais tellement hâte de voir ce petit bébé!




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