À mon retour vers Manseau, ce que j’étais contente de revoir mes parents, mes frères et ma sœur! 6 mois sans les voir c’est long… Durant mon séjour, je correspondais avec mon ami et voisin, Claude, qui était venu passer quelques soirées à la maison durant les fêtes, avant mon départ pour l’école. Il était là, à la gare, pour mon retour. Son ami Laurent lui avait demandé s’il voulait aller à Deschaillons. Claude lui dit que j’arrivais dans l’après-midi et, comme Laurent avait un œil sur ma petite personne, il a décidé de demeurer à Manseau.
Donc, quand je suis descendue du train, il s’est présenté et a offert de venir nous reconduire à la maison en auto. Pourquoi refuser un taxi? J’avais tellement hâte d’arriver à la maison! Je ne connaissais pas Laurent, mais Claude, oui. Alors, pourquoi pas? Je ne me souviens pas trop de cet événement, vous allez comprendre pourquoi; Laurent m’a raconté la suite un peu plus tard.
La vie a repris son cours : les responsabilités que j’avais laissées durant 6 mois m’attendaient; j’ai dû très certainement soulager Maman d’un peu de travail car ce n’est pas ce qui manquait.
Un soir, le téléphone sonne. L’hôtel de la place demande si on pouvait leur porter des œufs. C’était à l’heure du souper, alors je me suis dirigée vers l’hôtel avec mon panier d’œufs et sur ma route un jeune homme est venu me parler. Il s’est présenté en me disant que c’était lui qui était venu me reconduire à mon retour. Il travaillait à la cour à bois de la manufacture de Savoie et Frères, pendant le quart de nuit. Son ami était Normand, un garçon que je connaissais. Comme Laurent passait son temps à lui dire qu’il aimerait me connaître, Normand lui a lancé un défi. C’est ce qui a fait sortir Laurent de sa timidité. Voilà! l’orgueil aidant, on se lance…
Laurent m’a demandé si, le dimanche suivant, j’accepterais d’aller au lac Rose, une plage de la région qui était très populaire durant l’été. Mais moi, je savais que jamais mon père ne me donnerait la permission, car pour plusieurs personnes, c’était un lieu de perdition; une jeune fille bien élevée n’allait pas s’exposer en costume de bain devant les garçons …. Cependant, nous étions supposés, mes parents et la famille, aller chez une tante Marianne, à Deschaillons. Alors j’ai dit à Laurent que s’il voulait qu’on aille rejoindre mes parents, j’acceptais. Il était d’accord pour ce rendez-vous le dimanche suivant. Je sortais à l’occasion avec Claude mais l’entente n’était pas ce que je recherchais, alors c’est certain que cette relation se serait terminée, avec ou sans Laurent. Ce même soir, je fais quelques pas et son frère m’invite aussi. Je lui ai dit que Laurent venait de me faire la même proposition. J’ai eu quelques flirts, mais sans suite.
Donc, Laurent est venu me chercher. Mon frère Gaétan nous accompagnait car il fallait avoir un chaperon. Nous sommes allés joindre mes parents chez ma tante. Elle nous a dit qu’au village il y avait une petite chapelle à visiter. On s’est rendu voir ce site : cette chapelle avait une histoire. Il y a eu un naufrage sur le fleuve et les personnes concernées avaient promis de faire construire une chapelle s’ils se sortaient de cette tempête. C’était très rustique : quelques bancs, une belle statue de la Vierge Marie. Nous y sommes retournés plusieurs fois par la suite.
Dimanche, 13 juillet 1952. Je dois dire que cette date et ce chiffre nous ont suivis toute notre vie! Croyez-moi, ce n’est pas un chiffre à craindre même si les superstitieux croient qu’il porte malchance. N’en croyez rien et surtout n’accordez pas trop de croyance à toutes ces histoires! Nous avons passé un bel après-midi. Laurent était charmant et charmeur, avec beaucoup d’humour, et un regard vers moi qui me donnait le goût de le connaître mieux; j’avais l’impression que je le connaissais depuis toujours.
À ce moment-là, c’était période d’élection et le soir il y avait un rassemblement politique. Je n’étais pas supposée y aller avec Laurent, mais Claude n’était pas revenu de je ne sais trop où. Quand j’ai vu ça, et comme je voulais voir ces politiciens, (ce n’était pas nécessairement la politique qui m’attirait mais tout le monde qui se déplaçait pour ce spectacle, car c’était vraiment un spectacle. À mon avis, les politiciens ont toujours été les meilleurs comédiens.), j’ai relancé Laurent qui était chez sa sœur demeurant en face de chez nous. Il ne demandait pas mieux et depuis ce moment-là, on ne s’est plus quittés. Je me suis expliquée avec Claude qui était d’ailleurs au courant de ma sortie de l’après-midi. Ce n’était pas la première fois que j’abordais le sujet : nous n’avions pas les mêmes centres d’intérêts. C’est ainsi que Laurent et moi sommes devenus un couple d’amoureux.
Si vous me demandez quel parti politique a gagné ces élections, je serais incapable de le dire, mais c’était à l’époque de Duplessis et ça doit être lui… L’été a passé très vite. À l’automne, je suis retournée chez ma tante Éliane faire de nouveaux costumes d’école car elle comptait sur mon aide; et j’étais heureuse aussi ,mais disons que je venais toutes les semaines à Manseau : mon cœur était pris.
On terminait aux Fêtes et, lorsque je suis revenue, Laurent, lui, s’en allait aux chantiers. Je dois dire que je trouvais difficile de passer les Fêtes sans sa présence. Le soir de la messe de minuit, j’avais le cœur gros qu’il ne soit pas avec moi pour vivre notre premier Noël ensemble… Il a dû revenir au début de janvier à cause d’une affaire de famille. Moi, après les Fêtes, j’ai commencé à travailler dans une manufacture de couture : on faisait des chemises de travail pour hommes ainsi que des salopettes qu’on appelle «chiennes de travail». J’aimais ce travail, qui a duré de janvier à mai 1953, mais j’ai dû cesser car Maman est tombée malade.
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